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À voir, à lire et même plus...
25 juillet 2008

La « troisième patte » du « trépied » Beat Generation

5118QC0HPYLVous avez vaguement entendu parler de la "beat generation" ? Quand vous en avez parlé à vos profs de français-littérature ceux-ci ont froncé le sourcil -"euh de qui?quoi?"-? 

Eh bien vous êtes en présence d'une œuvre phare de ce mouvement, portant à la fois les évocations du voyage, du plaisir dans le moment présent, des "clochards célestes" à la "Sur la route" de Kerouac et les fulgurantes visions morbides - visions tout court même - du Burrougs du "Festin nu". Le tout porté par une rythmique incantatoire, hypnotique particulièrement frappante à la lecture "dans le texte" comme le propose cette édition. 

L'incipit annonce la couleur : "I saw the best minds of my generation destroyed by madness, starving hysterical naked," soit en français (d'après la traduction de cette édition) "J'ai vu les plus grands esprits de ma génération détruits par la folie, affamés hystériques nus,". 

Puis, le poète va s'appuyer sur la répétition du pronom "qui" ("who") pour rythmer, marteler ses longs vers libres 

"[...]qui se sont esseulés le long des rues de l'Idaho, cherchant des anges indiens visionnaires qui étaient des anges indiens visionnaires 
qui ont pensé qu'ils étaient seulement fous quand Baltimore luisait en extase surnaturelle," 

La ponctuation est inexistante au sein des vers et seules des virgules marquent le fin de ceux-ci. L'effet est surprenant et les mots ainsi accolés sont autant d'images qui font de chaque vers un flash mental

 "qui traversèrent le pays en voiture pendant soixante-douze heures pour savoir si j'avais une vision ou si tu avais une vision ou s'il avait une vision pour savoir l'éternité," 

On peut parfois penser à du gros n'importe quoi incohérent, les hallucinations d'un drogué et rien de plus. Mais ce serait ô combien réducteur de s'arrêter là car en butant sur des vers crus ("qui se laissèrent enculer par des saints motocyclistes et hurlèrent de joie,") ou déroutants ("qui toussèrent au sixième étage de Harlem couronnés de feu sous le ciel tuberculeux entourés par des caisses d'oranges de la théologie,") on passerait à côté de la magnifique peinture d'une époque que constitue ce poème. Si le chaos règne dans les mots, Ginsberg donne une cohérence interne à son poème. Ainsi, les thématiques chères au mouvement sont évoquées les unes après les autres sans "faire catalogue" mais plutôt comme un tour de train fantôme : nous commençons avec la drogue puis glissons vers le sexe, le voyage la politique, etc.

 On peut aisément se rendre compte de l'impact que put avoir ce livre à sa sortie en 1956 (!). Ces jeunes n'écoutaient pas encore de rock mais du be-bop et ils n'en étaient pas moins rebelles. La musique était en phase avec leurs écrits, et ce livre - comme les deux autres cités plus haut - ouvrit grand les yeux à toute une génération.

 Un grand moment de poésie américaine (Whitman est une influence revendiquée), de poésie tout court serais-je tenté de dire, doublé d'un important témoignage historique.
 Un texte qui surprend par son radicalisme verbal autant que par l'originalité de structure. Essayez aussi de le lire à voix haute, en anglais sur ce vers par exemple :
 
"yacketayakking screaming vomiting whispering facts and memories and anecdotes and eyeball kicks and shocks of hospitals and jails and wars," Howl de Allen Ginsberg (éditon bilingue) Christian Bourgeois Éditeur
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